Témoignage Samia, joueuse de basket en Séniores filles et arbitre officielle au des compétitions de niveau pré-national
Samia est une joueuse de basket et arbitre officielle au niveau pré-national. Durant la saison 2022-2023, lors d’un match au niveau départemental, elle a été témoin de l’exclusion d’une joueuse de l’équipe d’en face, qui portait un couvre-chef sportif. Lors de l’échauffement, l’arbitre du club (par ailleurs arbitre officiel) a signalé à la joueuse concernée qu’elle ne pourrait pas jouer avec son couvre-chef. Après une discussion houleuse, cette dernière finit par quitter le gymnase. Samia la rattrape et lui annonce que si elle ne peut pas jouer, son équipe refusera de disputer la rencontre également. Elle explique :
« La décision m’est venue spontanément. J’ai vu une personne qui était touchée et blessée de ne pas pouvoir jouer et je me suis dit ‘mais pourquoi, elle est comme nous ?! Elle a payé sa licence, elle est en règle. Pourquoi elle, elle n’aurait pas le droit de jouer alors que moi oui, simplement parce qu’on voit mes cheveux ?’ C’était impensable pour moi d’avoir un avantage qu’elle ne pouvait pas avoir. Donc, je me suis dit que le mieux était que personne ne joue, pour ne pas créer d’injustice. Mes coéquipières m’ont suivie sans hésiter. »
L’arbitre a finalement relégué l’arbitrage du match à un collègue qui n’est pas arbitre officiel. La jouese adverse a pu jouer avec son couvre-chef et le match s’est déroulé sans encombre. Samia, qui a les deux casquettes, comprend le dilemme dans lequel se retrouvent les arbitres officiels :
« En tant que joueuse je ne prends aucun risque à refuser de jouer et à protester contre cette discrimination. En tant qu’arbitre je m’expose à des sanctions et c’est mon gagne-pain qui peut voler en éclats. Et c’est là que je peux comprendre que ce soit dur pour certaines personnes de prendre position… Je respecte les arbitres qui le font mais je ne dénigre pas ceux qui appliquent également le règlement. »
Cependant, pour elle comme pour de nombreux arbitres, la situation est pesante. C’est en effet sur leurs épaules que reposent la responsabilité de dire à une joueuse qu’elle ne peut pas jouer avec son couvre-chef sportif, et ce, même quand la règle est encontradiction avec leurs valeurs.
« À titre personnel je trouve cette règle complètement injuste. J’aime la justice et pour moi on est dans un cas d’injustice. Le sport, c’est avant tout une passion. Tant que la sécurité est respectée, c’est le principal.
Je pensais que le sport était le seul monde capable de réunir les gens quelles que soient l’origine ou la conviction religieuse mais visiblement ce n’est pas le cas et c’est dommage parce qu’on perd les notions de partage et d’échange…
Personnellement, je le vis très très mal car je suis quelqu’un de juste dans la vie et là on me demande de discriminer des gens par le biais d’un règlement auquel je n’adhère pas mais qui n’a rien à voir avec l’arbitrage en lui même. L’arbitrage c’est beau, faire appliquer les règles du sport c’est beau. Cette règle, c’est moche… ».
L’interdiction du port des signes religieux et politiques et du couvre-chef sportif a en effet eu des conséquences très concrètes sur le championnat et a déstabilisé de nombreuses équipes. Samia rapporte même un « acharnement » sur l’une d’entre elles, qu’elle a été amenée à arbitrer au cours de la saison 2022-2023.
« En tant qu’arbitre en pré-national j’ai pu être amenée à siffler des équipes telle que [X] en championnat. En début de saison, cette équipe était invaincue. Deux des joueuses importantes de l’équipe portaient le couvre-chef sportif.
L’équipe a subi un acharnement : le même arbitre a été désigné sur toutes les rencontres pendant plus d’un mois d’affilé, soit un minimum de 4 matchs. Il a appliqué le règlement à la lettre et refusé que les filles jouent. L’équipe a commencé à perdre ses premiers matchs…
Ça a un peu fait scandale au sein du comité. Un communiqué a été publié indiquant qu’on ne pouvait pas interdire à une joueuse de jouer mais simplement noter un incident de rencontre sur la feuille de match. C’est un moyen déguiser d’interdire le couvre-chef puisque si la joueuse joue le match, son équipe perd par forfait. »
Face à ce cas de conscience, Samia préfère esquiver les rencontres avec des équipes qui ont des joueuses portant le couvre-chef, pour ne pas avoir à les exclure ni à risquer une sanction disciplinaire.
« Pour ne pas devoir prendre une telle responsabilité que je n’avais pas envie d’avoir, j’ai regardé dans le championnat quelles équipent avaient des filles concernées et je me suis dit ‘si jamais je suis désignée sur une de leur rencontre ça ne sera pas moi qui leur interdirais de jouer’. Ainsi, je préfère faire un retour en amont sur le match et ne pas l’arbitrer. Je suis dans la fuite parce que je ne saurais pas me résoudre à leur dire de ne pas jouer, quitte à me prendre une sanction. Mais pour éviter cette situation, je n’arbitrerai pas ces matchs-là. Si je suis désignée dessus je les renverrai automatiquement.
C’est vraiment triste de boycotter certaines équipes pour en réalité te préserver. La position est délicate pour pas mal d’arbitres je pense car beaucoup ne cautionnent pas l’idée d’interdire le couvre-chef sportif. »
Dépitée que les valeurs du basketball ne soient pas toujours respectée, elle conclut :
« En espérant vraiment qu’un jour le sport retournera à une idéologie où le plaisir prime et la passion passe avant toute chose. ».