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Hélène

Hélène

Témoignage 1 : Hélène

« On veut nous rendre invisibles. Le problème, ce n’est pas la laïcité. Le problème c’est qu’ils ont peur qu’on voie des filles et des femmes libres qui jouent toutes ensemble et que tout le monde se rende compte que ça ne dérange personne. »
Hélène
Joueuse SF

Joueuse en Séniores filles en championnat départemental, Hélène se rend à son match à l’extérieur. Son équipe joue alors la première place du championnat. Le match est arbitré par des arbitres clubs, dont l’un est également arbitre officiel. Quelques minutes avec le coup d’envoi, alors qu’elle s’échauffe avec ses coéquipières, son coach l’appelle. Hélène se doute immédiatement qu’il y a un problème. Hélène essaie alors de discuter avec l’arbitre pour comprendre pourquoi elle ne pourrait pas jouer, sans succès. 

 

L'arbitre m’a dit « Je ne peux pas vous laisser jouer avec ça, c’est dangereux et c’est interdit par le règlement. Et vos manches longues doivent être de la même couleur que votre t-shirt. » Je lui ai répondu que ça n’était pas dangereux, que c’était un accessoire spécialement conçu pour le sport et que j’étais mieux placée que lui pour savoir ce qui posait un danger ou non. Par ailleurs, la règle sur la couleur des manches longues ne s’applique pas dans notre championnat. 

Mais il n’a rien voulu entendre. Il me répétait que c’était interdit, qu’il faisait appliquer le règlement aujourd’hui comme il l’a fait la veille que c’était soit je l’enlevais soit je ne rentrais pas sur le terrain.

Je suis donc repartie m’échauffer avec mes coéquipières qui étaient apparemment toutes au courant de ce que m’avait dit l’arbitre. Quelques minutes après, mon coach me rappelle pour me dire que l’arbitre veut bien que je joue avec son t-shirt à manches longues mais qu’il ne bougera pas sur le couvre-chef de sport. Comme s’il venait de me faire une concession. J’ai refusé d’enlever quoi que ce soit. 

J’ai passé 40 minutes sur le banc, à ne pas savoir quoi faire, ni comment me sentir. J’étais perturbée, j’avais du mal à réfléchir. J’avais envie d’être seule, que personne ne me parle et en même temps j’essayais d’être là pour supporter mon équipe. Le plus dur dans tout ça, c’est que l’arbitre n’est pas venu me parler directement à moi une seule fois. C’est à moi qu’il interdit de jouer mais il ne daigne même pas s'adresser à moi. Ça c’est vraiment humiliant. 

Ce qu’Hélène ne savait pas, c’est que le jour même, la Ligue Île-de-France de basket-ball a envoyé un email intitulé « Info port du voile » à tous les arbitres officiels rappelant qu’en « situation de port de voile », les joueuses portant un « bandana, bonnet ou voile » ne doivent pas être autorisées à participer à la rencontre. Cette règle est censée ne s’appliquer qu’aux « rencontres régionales ». En décembre 2022, l’article 9.3 a également été introduit dans le règlement officiel de la FFBB, alors que la saison avait déjà débuté.

©Le Parisien. Mail envoyé par la Ligue Île-de-France de Basketball aux arbitres officiels régionaux.

 

Mais une cagoule de sport n’est pas un bandana, un bonnet, ni un voile. Ça n’est pas un simple accessoire qu’on peut enlever comme un collier ou un bonnet. On savait très bien que la dangerosité de l’accessoire n’était qu’un prétexte. D’ailleurs, en début de saison 2023-2024, plusieurs arbitres m’ont dit : ‘moi ça ne me dérange pas, en plus ton accessoire n’est pas dangereux mais le règlement l’interdit’. Et ils sont désolés pour nous, ça se voit. Je ne leur en veux pas, c’est la Fédération qui porte la responsabilité mais je pense que si tous les arbitres, tous les coachs, tous les clubs et toutes les joueuses faisaient part de leur mécontentement, on pourrait faire changer les choses.

Finalement, Hélène aura pu finir sa saison en jouant tous ses matchs. Depuis octobre 2023 cependant, avec l’adoption de l’article 9.3 et la montée dans le championnat niveau supérieur, Hélène n’a même plus le droit d’être sur la feuille de match ni sur le banc et doit regarder son équipe depuis les tribunes. 

 

Avant, c'était flou, on ne savait pas sur quel fondement la FFBB interdisait les couvre-chef de sort : la sécurité ou la neutralité ? Dans les deux cas, l’argument ne tient pas la route. On vient juste jouer au basket, on ne crée pas de trouble, on vient pour gagner, comme toutes les autres. Mais maintenant, on n’a plus le droit de jouer, d’arbitrer, d’être à la table. On est reléguées dans les tribunes. Ou alors on doit découvrir nos cheveux. Dans les deux cas, on est là où on ne nous voit pas trop, là où personne ne peut se rendre copte que nous aussi on aime le basket et qu’on sait jouer.

On veut nous rendre invisibles. Le problème, ce n’est pas la laïcité. Le problème c’est qu’ils ont peur qu’on voie des filles et des femmes libres qui jouent toutes ensemble et que tout le monde se rende compte que ça ne dérange personne

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